À la une de l'Antivol

Publication de L’Antivol-papier n° 14, avril-juin 2024

Par la Rédaction

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le nouveau numéro de L’Antivol-papier, correspondant au deuxième trimestre 2024, vient de paraître. Il est toujours gratuit et contient des articles qui, nous l’espérons, vous intéresseront autant que les précédents.

À partir de demain, mardi 9 avril, vous pouvez le trouver à Tours :

  • au bar « Le Serpent Volant », 54 rue du Grand Marché
  • à la librairie « Le Livre », 24 place du Grand Marché
  • à la librairie « Bédélire », 81 rue du Commerce
  • à la librairie « Lire au Jardin », 5 rue de Constantine
  • au bar « Les Colettes », 57 quai Paul Bert (à partir du 15 janvier)

Le plus simple est de le demander à l’accueil de ces établissements, aussi aimables qu’essentiels.

Par ailleurs, nous poursuivons la création de notre réseau de diffusion à vocation nationale.

Certains de nos membres ou lecteurs, ailleurs qu’à Tours, ont bien voulu en recevoir – nous prenons en charge les frais postaux – et se chargent de le distribuer autour d’eux.

On peut aussi le trouver à Paris, à la librairie « Quilombo », 23 rue Voltaire 75011, à Saint-Nazaire à la librairie « L’Oiseau Tempête » 20bis rue de la Paix. Dans les Deux-Sèvres La Boisselière (79310 Vouhé), dans l’Isère L’atelier paysan (ZA des Papeteries 38140 Renage), dans le Tarn les éditions La Lenteur (Le Batz 81140 Saint-Michel-de-Vax), dans le Maine-et-Loire l’Université populaire du Saumurois (12 rue de la Tonnelle 49400 Saumur) ont également accepté de faire partie du réseau de distribution. Ce dont nous les remercions tous vivement.

Et nous sommes bien sûr preneurs d’autres bonnes volontés…

Pour nous en faire part, nous communiquer vos réactions à la lecture du journal, nous proposer, comme pour le blog, vos propres contributions, merci d’écrire à lantivol37@gmail.com

À bientôt donc et que vive la presse écrite, réellement libre et radicale…

La Rédaction

PS Pour télécharger les précédents numéros :
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«  La production de moyens est devenue la fin de notre existence  »

Günther Anders

Voici un court extrait de L’Obsolescence de l’Homme consacré à la bombe et au monde qu’elle révèle et accompagne. Le philosophe allemand Günther Anders (1902-1992) y traite de la question des moyens et des fins, pointant la façon dont leur interversion – « la production de moyens est devenue la fin de notre existence », « les moyens justifient les fins » – constitue le « mot d’ordre secret de notre époque ». La synthèse, aussi puissante que concise, est à lire, méditer et conserver, car on se situe effectivement au cœur (ou au plus profond…) de ce qui nous régit et nous aliène, tant sur le plan individuel que collectif.

Le processus de dégénérescence qu’a subi le couple conceptuel « moyen-fin » a été préparé de longue main (1). Quelles qu’aient pu être les phases de ce processus, moyen et fin sont aujourd’hui intervertis : la production de moyens est devenue la fin de notre existence. Il arrive souvent (et dans tous les pays, car cette évolution est générale) qu’on essaie de justifier l’existence de choses qui étaient autrefois considérées comme des fins en montrant qu’elles peuvent également être considérées comme des moyens et faire leurs preuves en tant que tels : comme des moyens assurant une fonction simplement hygiénique, par exemple, ou encore des moyens qui entraînent ou facilitent l’acquisition ou la production d’autres moyens. (Il en va ainsi des loisirs et de l’amour ; et même de la religion.) Bien qu’évidemment ironique, le titre du petit livre américain Is sex necessary ? est à cet égard symptomatique.

Ce qui ne se laisse pas identifier comme moyen se voit interdire l’accès à l’univers actuel des choses. Parce qu’elles ne sont pas des moyens, on considère que les fins sont sans finalité. En tout cas, les fins en tant que telles. Elles sont sans finalité mais peuvent aussi, comme nous l’avons dit, fonctionner comme des moyens. Et même parfois les moyens par excellence dans la mesure où elles se révèlent être de parfaites médiations pour les moyens proprement dits, de parfaites médiations pour les rendre vendables par exemple. La finalité de la fin peut très bien être aujourd’hui de faire office de moyen pour les moyens proprement dits. C’est un fait avéré dont la formulation n’est paradoxale que parce qu’il est lui-même un paradoxe.

Ce rôle de « moyen » devient particulièrement clair lorsqu’il s’agit de « fins ajoutées ». J’entends par là des fins que l’on assigne après coup aux choses pour leur attribuer leur juste place dans la communauté des moyens et donc, dans une certaine mesure, pour les « rendre présentables ». Quand des chimistes obtiennent un nouveau dérivé, leur tâche consiste à lui trouver une fin et, au besoin, à lui en inventer une en créant de toutes pièces une demande. La finalité de cette nouvelle fin inventée de toutes pièces est de faire de la substance qui n’était au départ « bonne à rien » quelque chose qui ait sa place dans la communauté des moyens. Il ne doit pas y avoir de « choses en soi », seulement des moyens, fussent-ils seulement virtuels.

Il est évident que personne ne fait davantage obstruction aux intérêts du producteur de moyens que le critique qui non seulement refuse les moyens produits mais refuse également la finalité en vue de laquelle ils sont produits. La liberté prétendument illimitée de la critique est en fait limitée de la façon la plus stricte à la critique de la plus ou moins bonne qualité d’un moyen. Il n’y a donc de critique que des moyens : il n’existe pas de critique des fins. Car la critique d’une fin pertuberait la production du moyen qui sert à la réaliser et créerait un précédent extrêmement dangereux. En définitive, la finalité des fins consiste à procurer à la production des moyens sa raison d’être*. Si cette raison d’être* était mise en doute par une critique des fins, c’est le principe de la sacro-sainte production de moyens qui serait attaqué en tant que tel. Autrement dit : les moyens justifient les fins.

Les moyens justifient les fins. Cette formule n’est ni une plaisanterie, ni une exagération philosophique. L’inversion de la douteuse devise est en réalité le mot d’ordre secret de notre époque. Elle dit bien dans quel contexte, prétendu moyen parmi les moyens, la bombe a vu le jour et dans lequel, nous, le monde effrayé, avons aperçu pour la première fois son aveuglante lumière.

Notes

  1. Le principe du « laissez-faire* » présupposait déjà qu’on n’était jamais plus assuré d’atteindre le but final que lorsque l’ensemble des activités était abandonné à la libre concurrence ; qu’il était donc inutile de poursuivre un but (économique), puisque celui-ci, par une sorte d’harmonie préétablie des multiples activités, ne manquerait pas de se réaliser de lui-même, comme leur simple conséquence. Il n’est pas impossible que cette alliance de liberté (d’initiative) et de confiance (en une mécanique préétablie des moyens) soit la cause la plus profonde de l’occultation aujourd’hui dominante des fins.
  • En français dans le texte

Extrait de L’Obsolescence de l’Homme. Tome 1. Sur l’âme à l’époque de la révolution industrielle, Éditions de l’Encyclopédie des nuisances et Éditions Ivrea, 2002 pour l’édition française (1956 pour l’édition originale en allemand), p. 279-281.

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