À la une de l'Antivol

Publication de L’Antivol-papier n° 13, janvier-mars 2024

Par la Rédaction

Et d’abord, joyeuse année à venir…

Nous avons aussi le plaisir de vous annoncer que le nouveau numéro de L’Antivol-papier, correspondant au premier trimestre 2024, vient de paraître. Il est toujours gratuit et contient des articles qui, nous l’espérons, vous intéresseront autant que les précédents.

Vous pouvez le trouver à Tours :

  • au bar « Le Serpent Volant », 54 rue du Grand Marché
  • à la librairie « Le Livre », 24 place du Grand Marché
  • à la librairie « Bédélire », 81 rue du Commerce
  • à la librairie « Lire au Jardin », 5 rue de Constantine
  • au bar « Les Colettes », 57 quai Paul Bert (à partir du 15 janvier)

Le plus simple est de le demander à l’accueil de ces établissements, aussi aimables qu’essentiels.

Par ailleurs, nous poursuivons la création de notre réseau de diffusion à vocation nationale.

Certains de nos membres ou lecteurs, ailleurs qu’à Tours, ont bien voulu en recevoir – nous prenons en charge les frais postaux – et se chargent de le distribuer autour d’eux.

On peut aussi le trouver à Paris, à la librairie « Quilombo », 23 rue Voltaire 75011, à Saint-Nazaire à la librairie « L’Oiseau Tempête » 20bis rue de la Paix. Dans les Deux-Sèvres La Boisselière (79310 Vouhé), dans l’Isère L’atelier paysan (ZA des Papeteries 38140 Renage), dans le Tarn les éditions La Lenteur (Le Batz 81140 Saint-Michel-de-Vax), dans le Maine-et-Loire l’Université populaire du Saumurois (12 rue de la Tonnelle 49400 Saumur) ont également accepté de faire partie du réseau de distribution. Ce dont nous les remercions tous vivement.

Et nous sommes bien sûr preneurs d’autres bonnes volontés…

Pour nous en faire part, nous communiquer vos réactions à la lecture du journal, nous proposer, comme pour le blog, vos propres contributions, merci d’écrire à lantivol37@gmail.com

À bientôt donc et que vive la presse écrite, réellement libre et radicale…

La Rédaction

PS Pour télécharger les précédents numéros : n° 1 - n° 2 - n° 3 - n° 4 - n° 5 - n° 6 - n° 7 - n° 8 - n° 9 - n° 10 - n° 11 - n° 12

Comment je suis devenu une ressource humaine

Par Jean-Pierre Dautun

Pour commencer cette page « Idées », L’Antivol vous propose de lire ou relire un article de Jean-Pierre Dautun, paru dans Le Monde en 1993. Malgré son bon quart de siècle, le propos n’a pas pris une ride et il analyse, dans un mélange d’émotion et de lucidité, l’un des mots-clefs, symboles du capitalisme productiviste : tout, en effet, est appelé à y devenir chose, matériau, « ressource », l’homme y compris. À faire lire aux DRH, GRH d’entreprise ou d’administration, aux enseignants et étudiants des écoles de commerce, aux écolos de la « ressource naturelle », etc. Et ne pas oublier, bien évidemment, de bannir ce terme de votre propre langage…

« Le cri qu’on devrait entendre : “Voyez ce que le chômage fait de ses victimes. J’étais un homme : il fait de moi une “ressource humaine”.

« À moins de l’avoir vécu, on n’imagine pas ce que peut représenter le fait de tomber de la condition d’homme dans celle de ressource humaine.

« Cela m’est arrivé le jour de mon licenciement, mais je ne l’ai pas compris tout de suite, loin de là. Cela vient aussi plus tard. Avant d’être viré, on est un homme. Au moment d’être viré, on croit comprendre ce qui se passe : on pense qu’on est un homme en train d’être mis à la porte. Du tout. On se trompe. On subit une métamorphose secrète, invisible, instantanée. Apparemment, c’est le même corps, le même regard, les mêmes gestes, les mêmes capacités. En fait, sur-le-champ, on change d’état. Et cela ressemble, ma foi, à ce qui, dans les pays antiques ou barbares, faisait passer de l’homme à l’esclave. On s’aperçoit bientôt que la condition de ressource humaine guette la condition humaine moderne, comme la condition d’esclave était l'ombre portée, menaçante, permanente, de la condition d’homme libre. Il suffisait d’un revers militaire. C’est la même chose. Les revers économiques contemporains en sont la version avancée. Une défaite de ce qui remplace l’armée, une mauvaise tactique de ce qui tient lieu d’empereur, et vous voilà ressource humaine.

Coal in hands

« “Faire partie du personnel”, c’est une expression qui paraît infamante aujourd'hui. Mais rien de moins juste : elle reste noble. L’homme chassé du personnel n'est pas chassé de l’humanité. Celui qui devient une “ressource humaine”, si. Les bonnes âmes peuvent bien penser que ce langage est sédatif ; mais c’est la fidèle expression d’une barbarie à “masque” humain : sans visage. L’“humain” qu’on semble y introduire vient en chasser l’homme, aussi vrai que “humain” est adjectif et “ressource” nom. Nom “commun”. Car, tout de même, on était un homme et on devient “ressource”. Quelque chose de comparable dans sa nature à la nappe phréatique, à un “gisement”, – mot pertinent s’il en est. On rejoint un gisement, ce qui comme chacun le sait est un empilement de couches écrasées les unes sur les autres et les unes par les autres dans le sein obscur de la terre – un stock. Et on ne dépend plus que du trépan, de la foreuse qui vous extraira du gisement. À sa guise. À son rythme. Pas au vôtre. A-t-on déjà vu un bloc de charbon, ou une pépite d'or, même un diamant, aller réclamer que ce soit son tour d’être extrait ? La matière en cela fait preuve d’une sorte de sagesse qui semble étrangère à l’esprit le plus fin.

« Le jour où j’ai compris mon sort de mon pépite, j’ai compris aussi que ce n’était pas à moi de chercher la foreuse ; qu’il me restait autant de chances de retrouver un emploi que j’en ai de gagner au Loto. Ici comme là, il me faut attendre que le destin veuille bien me désigner pour cible de ses visées, si c’est mon tour – ce qui s’appelle la chance ou le hasard, selon les esprits.

« Et tel est le scandale qui rend aujourd’hui un humaniste inconsolable : que la survie sociale soit désormais, comme elle le fut aux époques qu’on lui a appris à nommer barbares, une affaire avant tout de “chance”. De compétences, de savoir, plus question. Chercher du travail est une activité pénible. Mais ce n’est que dramatique. Ce qui est terrible, c’est que ce drame s’enlève sur un fond “tragique”, et qui est celui-ci : qu’il ne dépende que du “sort” qu’on survive ou meure, voilà précisément le fait que ce qu’on appelle une “civilisation” avait pour mission d’éviter. Joli bilan. Voilà pourquoi le chômage n'est pas seulement une maladie économique : c’est un scandale de civilisation. »

Première publication dans Le Monde, 13 mars 1993.

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