À la une de l'Antivol
Six chansons, trois langues et un même cœur révolté…
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Par La Rédaction
On ne sait jamais exactement ce qui décide d’entrer en révolte contre l’ordre existant, parfois rien qu’une chanson. D’où notre idée de leur accorder une place de choix au sein de notre « Médiathèque radicale », qu’elles appartiennent au répertoire classique des chants révolutionnaires ou non. Dans cet article, L’Antivol vous propose d’en écouter ou réécouter six, venues de France, d’Espagne, des États-Unis ou du Canada. D’époque différente, abordant des sujets variés et essentiels, elles ont en commun de parler autant à notre esprit qu’à notre cœur et de nous emporter, chacune à sa façon, sur les chemins de la lucidité et de la désobéissance.
- « Les Assis », chanté par Léo Ferré
- « Masters of War », par Bob Dylan
- « A galopar », chanté par Paco Ibáñez
- « Born in the USA », par Bruce Springsteen
- « The Mercy seat », par Johnny Cash
- « The partisan », par Leonard Cohen

Ce poème de Rimbaud, un peu moins connu que d’autres et consacré aux ronds-de-cuir de la fin du XIXe, reste l’une des plus justes et vibrantes critiques de la bureaucratie. De l’État, du Marché ou de l’État et du Marché. L’interprétation de Ferré, dans « Verlaine et Rimbaud, chantés par Léo Ferré » est magistrale, de même que tous les autres poèmes chantés dans ce double album de 1964.

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;
Ils ont greffé dans des amours épileptiques
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau,
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.
Et les Sièges leur ont des bontés : culottée
De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ;
L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée
Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.
Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,
S'écoutent clapoter des barcarolles tristes,
Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.
— Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage...
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage !
Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.
Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves,
Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d’habit sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l’œil du fond des corridors !
Puis ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l’œil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.
Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l’aurore au soir, des grappes d’amygdales
Sous leurs mentons chétifs s’agitent à crever.
Quand l’austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés,
De vrais petits amours de chaises en lisière
Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;
Des fleurs d’encre crachant des pollens en virgule
Les bercent, le long des calices accroupis
Tels qu’au fil des glaïeuls le vol des libellules
— Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.


You that build all the guns
You that build the death planes
You that build the big bombs
You that hide behind walls
You that hide behind desks
I just want you to know
I can see through your masks
But build to destroy
You play with my world
Like it’s your little toy
You put a gun in my hand
And you hide from my eyes
And you turn and run farther
When the fast bullets fly
You lie and deceive
A world war can be won
You want me to believe
But I see through your eyes
And I see through your brain
Like I see through the water
That runs down my drain
For the others to fire
Then you set back and watch
When the death count gets higher
You hide in your mansion
While the young people’s blood
Flows out of their bodies
And is buried in the mud
That can ever be hurled
Fear to bring children
Into the world
For threatening my baby
Unborn and unnamed
You ain’t worth the blood
That runs in your veins
To talk out of turn
You might say that I’m young
You might say I’m unlearned
But there’s one thing I know
Though I’m younger than you
Even Jesus would never
Forgive what you do
Is your money that good
Will it buy you forgiveness
Do you think that it could
I think you will find
When your death takes its toll
All the money you made
Will never buy back your soul
And your death’ll come soon
I will follow your casket
In the pale afternoon
And I’ll watch while you’re lowered
Down to your deathbed
And I’ll stand over your grave
’Til I’m sure that you’re dead
Vous qui fabriquez toutes les armes
Vous qui fabriquez les avions de mort
Vous qui fabriquez les énormes bombes
Vous qui vous cachez derrière des murs
Vous qui vous cachez derrière des bureaux
Je veux seulement que vous sachiez
Que je vois clair à travers vos masques
Que construire pour détruire
Vous qui jouez avec mon monde
Comme si c’était votre petit jouet
Vous me mettez une arme dans la main
Et vous vous cachez de mes yeux
Et vous vous retournez et courez plus loin
Quand les balles se mettent à fuser
Vous mentez et trompez
Une guerre mondiale peut être gagnée
Vous voulez me faire croire
Mais je vois à travers vos yeux
Et je vois à travers vos cerveaux
Comme je vois à travers l’eau
Qui court dans mes égouts
Pour que ce soit aux autres de tirer
Puis vous vous mettez en retrait et regardez
Quand le décompte des morts augmente
Vous vous cachez dans vos manoirs
Tandis que le sang des jeunes gens
S’écoule hors de leurs corps
Et reste enterré dans la boue
Qui puisse jamais nous accabler
La peur de faire naître des enfants
Dans ce monde
Pour avoir menacé mon bébé
Ni encore né ni nommé
Vous ne valez pas le sang
Qui court dans vos veines
Pour parler à tort et à travers
Vous pourriez dire que je suis jeune
Vous pourriez dire que je ne suis pas instruit
Mais s’il y a bien une chose que je sais
Bien qu’étant plus jeune que vous
C'est que jamais même Jésus
Ne vous pardonnerait ce que vous faites
Votre argent est-il si bon
Qu’il achètera votre pardon
Pensez-vous qu’il le puisse
Je pense que vous verrez
Quand la mort frappera à votre porte
Que tout l’argent que vous avez amassé
Jamais ne rachètera votre âme
Et que votre mort viendra bientôt
Je serai là suivant votre cercueil
Par un blême après-midi
Et je veillerai à ce que vous soyez enfoui
Bien au fond de votre lit de mort
Et je me tiendrai debout sur votre tombe
Jusqu'à ce que je sois certain que vous êtes mort.

Las grandes, las solas, desiertas llanuras.
Galopa, caballo cuatralbo,
Jinete del pueblo,
Que la tierra es tuya*.
A galopar,
Hasta enterrarlos en el mar!
Las tierras de España, en las herraduras.
Galopa, caballo cuatralbo,
Jinete del pueblo,
Que la tierra es tuya**.
A galopar,
Hasta enterrarlos en el mar!
Que es nadie la muerte si va en tu montura.
Galopa, caballo cuatralbo,
Jinete del pueblo,
Que la tierra es tuya.
A galopar,
Hasta enterrarlos en el mar!
Immenses et rases, les plaines désertes.
Galope, cheval balzan
Cavalier du peuple
Car la terre est tienne*.
Au grand galop,
Jusqu’à les ensevelir dans la mer !
Les terres d’Espagne sous les quatre fers.
Galope, cheval balzan
Cavalier du peuple
Car la terre est tienne**.
au grand galop,
Jusqu’à les ensevelir dans la mer !
La mort n’est personne si elle monte en croupe
Galope, cheval balzan
Cavalier du peuple
Car la terre est tienne.
au grand galop,
Jusqu’à les ensevelir dans la mer !
* Dans le texte original d’Alberti : « Al sol y a la luna. » [Au soleil et au clair de lune.]
** Dans le texte original d’Alberti : « Galopa, jinete del pueblo, caballo cuatralbo, caballo de espuma. » [Galope, cavalier du peuple, cheval balzan, cheval d’écume.]

The first kick I took was when I hit the ground
End up like a dog that's been beat too much
'Til you spend half your life just coverin' up, now
I was born in the U.S.A.
I was born in the U.S.A.
Born in the U.S.A., now
So they put a rifle in my hand
Send me off to a foreign land
To go and kill the yellow man
I was born in the U.S.A.
Born in the U.S.A.
I was born in the U.S.A.
Born in the U.S.A.
Hiring man says, "son, if it was up to me"
Went down to see my V.A. man
He said, "son, don't you understand, now?"
They're still there, he's all gone
He had a woman he loved in Saigon
I got a picture of him in her arms, now
Out by the gas fires of the refinery
I'm ten years burning down the road
Nowhere to run, ain't got nowhere to go
I was born in the U.S.A., now
Born in the U.S.A.
I'm a long gone daddy in the U.S.A., now
Born in the U.S.A.
Born in the U.S.A.
I'm a cool rocking daddy in the U.S.A., now
Le premier coup que j'ai pris c'est quand j'ai touché le sol
Tu finis comme un chien qu'on a trop battu
Jusqu'à ce que tu passes la moitié de ta vie rien qu’à le cacher, maintenant
Je suis né aux Etats-Unis
Je suis né aux Etats-Unis
Né aux Etats-Unis, maintenant
Alors ils m'ont collé un fusil entre les mains
M'ont envoyé dans un pays étranger
Pour aller tuer l'homme jaune
Je suis né aux Etats-Unis
Né aux Etats-Unis
Je suis né aux Etats-Unis
Né aux Etats-Unis
Le chef du personnel m’a dit, "si ça dépendait de moi, fiston"
Je suis descendu voir le mec des Anciens Combattants
Il m'a dit "fiston, ne comprends-tu pas, maintenant?"
Ils sont toujours là, lui est bel et bien parti
Il avait une femme qu'il aimait à Saïgon
J'ai une photo de lui dans ses bras, maintenant
Dehors, à côté des feux d'essence de la raffinerie
Cela fait dix ans que je crame sur la route
Je n'ai nulle part où fuir, nulle part où aller
Je suis né aux Etats-Unis, maintenant
Né aux Etats-Unis
Je suis un papa mort depuis longtemps aux Etats-Unis, maintenant
Né aux Etats-Unis
Né aux Etats-Unis
Je suis un papa rockeur et cool aux Etats-Unis, maintenant


And put me on Death Row
A crime for which I'm totally innocent, you know
To objects and their fields
A ragged cup, a twisted mop
The face of Jesus in my soup
Those sinister dinner deals
The meal trolley's wicked wheels
A hooked bone rising from my food
And all things either good or ungood
And I think my head is burning
And in a way I'm yearning
To be done with all this weighing of the truth
An eye for an eye
And a tooth for a tooth
And, anyway, I told the truth
And I'm not afraid to die.
Christ was born into a manger
And like some ragged stranger
He died upon the cross
Might I say it seems so fitting in its way
He was a carpenter by trade
Or at least that's what I'm told
Across it's brother's fist
That filthy five!
They did nothing to challenge or resist
The ark of His Testament is stowed
A throne from which I'm told
All history does unfold
It's made of wood and wire
And my body is on fire
And God is never far away
My head is shaved, my head is wired
And like a moth that tries
To enter the bright eye
I go shuffling out of life
Just to hide in death awhile
And, anyway, I never lied
And I think my head is burning
And in a way I'm yearning
To be done with all this weighing of the truth
An eye for an eye
And a tooth for a tooth
And, anyway, I told the truth
And I'm not afraid to die.
And I think my head is glowing
And in a way I'm hoping
To be done with all this twistin' of the truth
An eye for an eye
And a tooth for a tooth
And, anyway, there was no proof
And I'm not afraid to die
And I think my head is smokin'
And in a way I'm hoping
To be done with all these looks of disbelief.
A life for a life
And a truth for a truth
And I've got nothing left to lose
And I'm not afraid to die
And I think my head is melting
And in a way that's helping
To be done with all this twistin' of the truth
An eye for an eye
And a truth for a truth
And, anyway, I told the truth
But I'm afraid I told a lie.
Et m'ont mis dans le Couloir de la Mort
Un crime dont je suis totalement innocent, vous savez
Aux objets et à leurs champs,
Une tasse fêlée, une serpillière tordue
Le visage de Jésus dans ma soupe
Ces sinistres trafics de dîner
Les roues sales du chariot de repas
Un os crochu jaillissant de ma nourriture
Et toutes les choses, bonnes ou mauvaises.
Et je pense que ma tête brûle
Et d'une certaine manière j'aspire
A en finir avec toute cette pesée de la vérité.
Œil pour œil
Et dent pour dent
Et, de toute façon, j'ai dit la vérité
Et je n'ai pas peur de mourir
Christ est né dans une crèche
Et tel un étranger en haillons
Il est mort sur la croix
Puis-je dire que cela semble tellement à sa façon
Il était un charpentier de métier
Ou du moins c'est ce qu'on m'a dit
A travers le poing de son frère
Ces cinq doigts-là, si répugnants!
Ils n'ont rien fait pour s’opposer ou résister
L'arche de Son testament est rangée
Un trône dont on me dit que
Toute l'histoire déroule
Il est fait de bois et de fil de fer
Et mon corps est sur le feu
Et Dieu n'est jamais loin
Ma tête est rasée, ma tête est branchée
Et comme un papillon de nuit qui essaie
D’entrer dans l'œil brillant,
Je me retire de la vie
Juste pour me cacher dans la mort un moment
Et, de toute façon, je n'ai jamais menti
Et je pense que ma tête brûle
Et d'une certaine manière j'aspire
A en finir avec toute cette pesée de la vérité
Œil pour œil
Et dent pour dent
Et, de toute façon, j'ai dit la vérité
Et je n'ai pas peur de mourir
Et je pense que ma tête brille
Et d'une certaine manière j'espère
En finir avec toute cette torsion de la vérité
Œil pour œil
Et dent pour dent
Et, de toute façon, il n'y avait pas de preuve
Et je n'ai pas peur de mourir
Et je pense que ma tête fume
Et d'une certaine manière j'espère
En finir avec tous ces regards incrédules
Une vie pour une vie
Et une vérité pour une vérité
Et je n'ai plus rien à perdre
Et je n’ai pas peur de mourir
Et je pense que ma tête fond
Et d'une certaine manière cela aide
A en finir avec cette torsion de la vérité
Œil pour œil
Et dent pour dent
Et, de toute façon, j'ai dit la vérité
Mais j'ai peur d'avoir menti
* Ce titre, régulièrement utilisé dans les traductions, fait écho aux sens multiples religieux ou profanes de la chanson : le sacrifice aux dieux, le trône doré de Dieu ou Dieu lui-même, le siège de la pitié ou de la miséricorde et, évidemment, la chaise électrique.


I was cautioned to surrender
This I could not do
I took my gun and vanished
I've lost my wife and children
But I have many friends
And some of them are with me
Kept us hidden in the garret
Then the soldiers came
She died without a whisper
I'm the only one this evening
But I must go on
The frontiers are my prison
Through the graves the wind is blowing
Freedom soon will come
Then we'll come from the shadow
Ils me disent, "signe-toi"
Mais je n'ai pas peur
J'ai repris mon arme
J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis
J'ai la France entière
Pour la nuit nous a cachés
Les Allemands l'ont pris
Il est mort sans surprise
Through the graves the wind is blowing
Freedom soon will come
Then we'll come from the shadow
Je fus sommé de me rendre
Ça je ne le pouvais pas
J'ai pris mon arme et j'ai disparu
J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis
Et certains d’entre eux sont avec moi
Nous a gardés cachés dans le grenier
Puis les soldats sont venus
Elle est morte sans un soupir
Je suis le seul ce soir
Mais je dois continuer
Les frontières sont ma prison
A travers les tombes le vent souffle
La liberté viendra bientôt
Alors nous sortirons de l'ombre
Ils me disent, "signe-toi"
Mais je n'ai pas peur
J'ai repris mon arme
J'ai perdu femme et enfants
Mais j'ai tant d'amis
J'ai la France entière
Pour la nuit nous a cachés
Les Allemands l'ont pris
Il est mort sans surprise
Through the graves the wind is blowing
Freedom soon will come
Then we'll come from the shadow
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