Quarante-sept. C’est le nombre de jours de la grève menée par les sardinières de Douarnenez en 1924. Dans son ouvrage dont elle emprunte le titre Une belle grève de femmes à Lucie Colliard, journaliste pour L’Humanité dans les années 1920, Anne Crignon nous plonge au cœur de la lutte victorieuse des « Penn sardin ».
Dans les années 1920, Douarnenez compte une vingtaine de conserveries. La vie est rythmée par le travail de l’usine pour les femmes et celui de marin-pêcheur pour les hommes. Les ouvrières des conserveries font partie des ouvrières les moins bien payées de France. « Une sardinière qui file vers la conserverie n’a aucune idée de l’heure (et même parfois du jour) où elle rentrera chez elle. Elle est à l’usine dix, quinze ou dix-huit heures d’affilée. Les très influents industriels bretons ont obtenu de Paris des dérogations en ce sens et Paris a posé une condition : que le travail ne dépasse pas soixante-douze heures par semaine, ce sur quoi le patronat local s’assoit ». Les enfants travaillent également. Même si à l’époque l’âge légal est fixé à 12 ans, il n’est pas rare de trouver des enfants travaillant dès l’âge de 8 ans. Par ailleurs, en 1921, Douarnenez est la première municipalité communiste de France. C’est dans ce contexte de pauvreté économique et d’émulation politique qu’éclate la grève, le 21 novembre 1924, avec pour principale revendication : une augmentation de 25 sous de l’heure.
Cahiers de revendications, débrayages, chants, manifestations, meetings, distributions de repas, comité de solidarité, argent qui afflue de la France entière, soutien de la mairie, soutien de syndicalistes et journalistes parisiens, Anne Crignon décrit avec rythme tout le répertoire d’action collective mobilisé par les femmes. Ce sont des milliers de personnes, jusqu’à 5 000, qui manifestent dans les rues de Douarnenez. « Ne rien lâcher fut leur mot d’ordre » dit l’autrice. Face au mépris et à la bassesse des patrons (refus de recevoir les grévistes, embauche de briseurs de grève, agression au revolver du maire, etc.), la lutte trouve son issue non seulement grâce à la solidarité ouvrière mais aussi du fait de la pression mise par le gouvernement sur le patronat.
Au final, les sardinières gagnent : 25 sous en plus de l’heure, application de la loi des 8 heures, rémunération des heures d’attente du poisson, majoration des heures supplémentaires et du travail de nuit.
A lire Une belle grève de femmes, on éprouve bien du plaisir car on est là face au récit d’une victoire, à l’heure même où le mouvement social accumule surtout les défaites, à l’instar de la récente réforme des retraites. Mais ce plaisir est aussi tout relatif puisque cette victoire des Penn sardin reste circonscrite à des revendications classiques – amélioration des salaires, des conditions de travail, etc. – et n’engage pas de remise en cause des rapports d’exploitation capitalistes. Nulle perspective d’autogestion, nulle émancipation du rapport salarial, nulle abolition du patronat…